Nous commençons par partager un petit déjeuner acheté en ville sur la terrasse de la guesthouse. Soupes de nouilles ou croissants, et nous voilà partis pour visiter le Musée National des Beaux Arts de Phnom-Penh.


D'innombrables trésors y sont conservés, illustrant la richesse des sanctuaires. On y trouve notamment des statuettes de dieux à bras et têtes multiples, des stèles gravées, de grandes statues au fin sourire surnommé "sourire d'Angkor", des bas reliefs et frontons provenant parfois de saisies lors de ventes aux enchères. Nous nous promenons au milieu des dieux hindous, perplexes devant les lingams virils multiformes et étonnés devant un Ganesh rebondi ou une silhouette féminine évoquant étrangement la Venus de Milo... Dans les salles suivantes on trouve des objets d'art, boîtes incrustées de nacre, et une magnifique barge royale du XIXe décorée de fleurs et d'oiseaux. Une salle est consacrée aux statues de bouddha, et les fidèles y déposent offrandes et encens.


Après quelques achats de cartes postales nous faisons une pause dans le patio intérieur très agréable, avec ses bassins et ses frangipaniers. Sur les côtés sont exposés de merveilleux linteaux et bas reliefs sculptés.

Ce musée était très intéressant, et d'autant plus qu'il complète parfaitement notre visite passée des temples d'Angkor. Nous avons ainsi pu replacer mentalement les objets exposés dans leur écrin de pierre originel.


Nous allons déjeuner dans un restaurant près de la guesthouse et une fois le repas fini une grosse averse éclate. Au vu de la météo nous changeons nos projets initiaux pour nous rendre au sinistre camp d'extermination de Choeung Ek. Cette visite s'annonce douloureuse mais il était important pour nous d'en apprendre plus sur les terribles années où le Cambodge a souffert du régime des khmers rouges.


En l'espace de moins quatre ans seulement, un habitant sur quatre a trouvé la mort, tué dans un des nombreux camps d'extermination ou bien victime de la famine et des travaux forcés. En effet, à peine le régime installé, tous les habitants des villes sans exception ont été déportés dans les campagnes et les montagnes cultiver les champs du matin au soir quasiment sans nourriture pour accomplir les objectifs délirants de production. Les dirigeants khmers rouges, aidés par une armée constitué de très jeunes recrues sans instruction et complètement endoctrinés, ont ordonné la fermeture des temples, écoles et hôpitaux qui ont été détruits ou transformés en prisons.


Nous arrivons au camp sous la pluie, louons des audioguides et commençons la visite abrités sous un parapluie noir. Sur ce lieu en apparence si calme, les prétendus opposants au régime étaient emmenés pour être brutalement tués à coup d'outils rudimentaires, près des charniers débordant déjà de corps. Les chants révolutionnaires diffusés aux hauts parleurs masquaient leurs cris. Tout se passait dans le plus grand secret. Le mot d'ordre du régime était le suivant: "il vaut mieux tuer un innocent qu'épargner un ennemi". Propriétaires, intellectuels, soldats suspects de trahison ou bien gens ordinaires qui avait eu le malheur de posséder un stylo ou d'être accusé d'un méfait quelconque subissaient ici le même sort tragique après avoir souvent été torturés et forcés d'avouer des torts imaginaires. Des familles entières étaient décimées selon le slogan qui proclamait qu'il fallait "détruire le mal à la racine". Même les bébés étaient assassinés en étant projetés contre un arbre qui, dit-on, porte encore en lui les traces de sang des victimes, intégrées dans ses lignes de croissance. C'est au pied de celui-ci que Dutch, le directeur du centre de torture S-21, amené par la justice sur les lieux de ces crimes s'est effondré en demandant pardon aux victimes et en reconnaissant sa responsabilité.


Nous errons au rythme de l'audioguide, qui nous délivre ses terribles explications ainsi que des témoignages. Si certains ossements ont été exhumés, analysés puis soigneusement conservés dans le stupa du souvenir, la majorité est encore en terre et certains os et vêtements remontent à la surface des charniers, notamment à cause des pluies. Ce qui nous constatons avec horreur de nos propres yeux....


Après cette visite éprouvante, nous retournons en ville, retrouvant le rythme des embouteillages et le sourire des cambodgiens. Un bon dîner d'Amok, poisson au lait de coco, nous redonne du courage pour la visite prévue demain matin : le camp de torture S-21...